Pourquoi ces huit entrepreneurs ont décidé de créer leur boîte à Marseille ?

Pourquoi ces huit entrepreneurs ont décidé de créer leur boîte à Marseille ?

Ces créateurs et créatrices d’entreprises grand public ou B to B ont trouvé à Marseille tous les ingrédients nécessaires à la réussite de leur business.

Avec Gojob, Jaguar Network (Qui appartient aujourd’hui à Iliad), et surtout Voyage Privé, Aix-en-Provence et Marseille collectionnent ces dernières années les success-stories dans le digital. La Provence a d’abord été le berceau de Ricard, de L’Occitane, de la CMA CGM – un mastodonte du fret maritime pesant 18 milliards d’euros… Autant de modèles dont nos témoins s’inspirent et qu’ils rêvent d’imiter. Car ici, la réussite, ce n’est pas de la fiction.

 

 

 

 

Work and Padel : Service gagnant

Le padel se joue avec des raquettes en bois, comme sur la plage. Ce sport est au tennis ce que le foot en salle est au football : un petit frère qui se pratique sur un terrain aux dimensions réduites. A ne pas confondre avec le paddle, la planche de surf sur laquelle on navigue debout, à l’aide d’une rame. Ex-professeur de tennis à Cassis, Dorian Bargigli, 38 ans, est un ardent partisan de cette discipline jusqu’ici inconnue en France, mais qui compte, en Espagne, plus de licenciés que le tennis. Il y a trois ans, il l’importe en France. Mais pas auprès du grand public. Il s’adresse aux entreprises.

 

Monter un club nécessite beaucoup d’investissements fonciers. En B to B, je vends du service et de la prestation aux grosses boîtes sous la forme d’activités pour leurs collaborateurs et de séminaires de team building autour du sport et du bien-être au travail.” Un coup gagnant. En 2019, Dorian lève 165.000 euros et se développe grâce au bouche-à-oreille. Il est aujourd’hui présent sur cinq sites et en vise deux autres d’ici la fin de l’année. Ses clients ont pour nom Hopps Groupe (de Frédéric Pons), Biotech Dental et Voyage Privé, dont le nouveau siège social, à Aix, s’est doté d’un terrain. Work and Padel emploie 10 personnes et devrait réaliser 450.000 euros de chiffre d’affaires cette année.

 

L’atout Marseille: “Pour trouver des fonds, j’ai été accompagné par Beleza, une association de 13 dirigeants de la métropole.” Dorian Bargigli, fondateur de Work and Padel.
workandpadel.com

 

 

EmkiPop : La petite boîte givrée

La petite boîte du Sud qui rafraîchit jusqu’à Paris. Les fondateurs d’Emki Pop conçoivent leurs bâtonnets glacés comme des pâtisseries : avec des fruits frais mais sans colorant ni conservateur. Leurs esquimaux vendus à 3,90 euros plaisent, et la jeune pousse visait 1,3 million d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier. Avec un investissement de départ de 140.000 euros, ils ont transposé un concept new-yorkais en Provence. «En 2013, j’ai été mutée à Marseille avec mon conjoint Guillaume Bacqueville, explique Emeline Lallemand, ex-consultante en management des organisations. Grâce à notre réseau, nous avons rencontré trois chefs d’entreprise passionnés de gastronomie. Ils nous ont aidés à structurer notre projet et à trouver les financements.»

C’est également grâce à eux que le jeune couple, autodidacte en cuisine, est conseillé pour les recettes de leurs glaces par le chef marseillais doublement étoilé Michel Portos. Puis démarre en 2016 l’activité de vente ambulante à l’aide d’un triporteur. «Nos contacts nous ont aidés à convaincre une dizaine de revendeurs de goûter nos produits.» C’est un succès et une première boutique voit le jour dans la cité phocéenne. Puis une deuxième à Aix en 2018, et une troisième, à Paris, l’année suivante, grâce à une levée de fonds d’un million d’euros. Désormais, la petite boîte givrée compte 25 personnes (35 en haute saison) et 300 distributeurs (des épiceries fines, des restaurants, etc.).

 

L’atout Marseille : «Les Marseillais aiment la convivialité. Chaque rencontre est une opportunité de se développer.» Emeline Lallemand, cofondatrice d’Emki Pop.
emkipop.fr

 

 

Pourquoi Princesse : Les filles se rebellent

Des motifs de fusées et de dinosaures sur des robes, des combinaisons de pilote pour petites filles… L’idée paraît simple, elle est pourtant disruptive dans la mode pour enfants. «Quand nous sommes devenus parents, mon mari et moi nous sommes interrogés sur les stéréotypes de genre», se souvient Laura Drewett, la fondatrice de Pourquoi Princesse. Elle lance sa marque en 2020, après une campagne sur Ulule qui lui assure 425 préventes. Un résultat qui doit beaucoup à la création en amont d’une vaste communauté de parents concernés par l’égalité des genres. Le compte Instagram de la marque compte d’ailleurs 8.900 membres.

Laura Drewett, une Américaine, s’est installée il y a sept ans dans la cité phocéenne «par amour pour un Marseillais». Elle s’entoure d’une styliste et d’une modéliste free-lance. Sa collection Girl Rebel, sortie l’année dernière, comprend des robes de 54,90 à 64,90 euros, des tee-shirts et des combinaisons réalisées par le fournisseur officiel de la Patrouille de France. L’entrepreneuse a atteint le point d’équilibre l’année dernière et misait sur un chiffre d’affaires de 75.000 euros. Elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Pour continuer à croître, Laura Drewett veut embaucher et distribuer sa marque en magasins.

 

L’atout Marseille : «Une ville populaire et proche de la mer et des aides publiques qui n’existent pas aux Etats-Unis.» Laura Drewett, fondatrice de Pourquoi Princesse
pourquoiprincesse.com

 

 

Artisans d’Idées : Créateur dans l’ombre… au soleil

C’est pour la mer et le soleil que ce Breton d’origine a posé ses bagages dans la cité phocéenne. Arrivé à Marseille quand la ville était capitale européenne de la culture, en 2013, Youenn Le Guen sent “tout de suite que la ville a le potentiel pour exploser”. Muséologue free-lance, cet ingénieur touche à tout de 36 ans, formé à l’UTC de Compiègne, pose alors les bases de son groupe de production numérique dédiée à la culture. Sept ans plus tard, Artisans d’idées regroupe huit sociétés, emploie 65 personnes (mais elle fait bosser plusieurs centaines d’intermittents chaque année) et réalise 5 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Maîtrisant toute la chaîne de production d’une exposition, de la conception à l’exploitation en passant par la réalisation, le groupe est par exemple à la baguette de « L’Odyssée sensorielle », l’exposition-événement qui vient d’ouvrir ses portes au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. “Trois ans de travail pour donner vie à cette idée du producteur Gwenaël Allan”, précise Youenn, qui préfère rester dans l’ombre pour mieux se concentrer sur ses réalisations : l’exposition immersive sur « La Joconde », en vedette cette année au Palais de la Bourse (le siège de la CCI), à Marseille, et la scénographie du nouveau musée national d’Oslo. Ce dernier marché « a fait passer notre chiffre d’affaires de 1 à 4 millions d’euros”, raconte celui qui se définit comme “un compétiteur aimant gagner”. Prochain défi : l’exploitation de salles d’exposition un peu partout en Europe, en partenariat avec Unibail. L’occasion de créer encore une société de plus.

 

L’atout Marseille : “Le coût de la vie et de la location immobilière restent abordables.” Youenn Le Guen, fondateur d’Artisans d’Idées
mardi8.com

 

 

Enogia : La start-up qui turbine

«Originaire de Marseille, j’ai fait du lobbying auprès de mes deux associés pour installer l’entreprise là-bas. Au-delà de ce lien affectif, la ville est sur un axe de transport important permettant de nous déplacer en France et à l’étranger», explique Arthur Leroux, cofondateur de cette PME qui conçoit et fabrique des micro-turbines convertissant l’énergie, notamment la chaleur, en électricité. Réalisant plus de la moitié de son activité à l’international (en Europe et en Asie), Enogia peut facilement exporter ses machines grâce au port de Marseille. C’est aussi son passé d’ancien bassin industriel qui a attiré la PME. «Avec notre emplacement dans les quartiers nord de la ville, nous jouissons de la proximité avec nos fournisseurs et sous-traitants spécialisés dans l’électronique et la chaudronnerie, qui constituent les deux parties importantes de nos machines.»

Autre atout de la cité phocéenne que l’équipe fondatrice a découvert par la suite, l’écosystème d’enseignement technique et technologique. Recrutant directement sur les bancs des écoles d’ingénieurs de la région, l’entreprise compte une cinquantaine de salariés. Grâce au développement d’une nouvelle activité, la production de compresseurs pour transformer de l’hydrogène en électricité, elle compte réaliser 95 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025, contre 2 millions l’an dernier. En juillet, son entrée en Bourse a permis à Enogia de lever 12 millions d’euros alloués à la R&D et à l’aménagement d’un site de production plus grand.

 

L’atout Marseille : “La situation géographique de la ville en fait un nœud de communication stratégique.”Arthur Leroux, cofondateur d’Enogia
enogia.com

 

 

Notilo Plus : Des drones dans le grand bain

Intrigante silhouette de gros crabe orange, le Seasam s’enfonce lentement sous la surface. La mission de ce drone sous-marin est d’inspecter des coques de bateaux, des piles de ponts ou des installations portuaires. Équivalent subaquatique des drones volants, il représente un véritable bond technologique, « complexe à réaliser », explique Nicolas Gambini, CEO de Notilo Plus, la start-up marseillaise d’une vingtaine de collaborateurs qui le produit. « Les technologies applicables à l’aérien –bluetooth, Wi-Fi et GPS – ne fonctionnent plus sous l’eau. »

Notilo Plus a relevé le défi. En 2018, la start-up industrialise un premier drone sous-marin de loisir, baptisé iBubble, et destiné aux prises de vues des plongeurs sous-marins (vendu 2.990 euros). Fabriqué par EFI Automotive, un équipementier, il fonctionne jusqu’à 60 mètres de profondeur, guidé par un système d’ondes acoustiques et des capteurs boostés à l’IA. « Ensuite, nous avons eu des demandes d’acteurs du transport et de l’énergie. En répondant aux préoccupations des professionnels, nous avons changé d’échelle. » Notilo Plus se refinance à hauteur de 2 millions d’euros auprès de Bpifrance Provence-Alpes-Côte d’Azur et de business angels marseillais.

Puis CMA CGM, le numéro 3 mondial du transport maritime, entreprise emblématique de Marseille, intègre la start-up dans son incubateur Zebox, situé à la Joliette, et entre au capital à l’occasion d’un nouveau tour de table de 1,75 million d’euros. L’affréteur lui propose aussi un partenariat industriel (du codéveloppement et plusieurs commandes). Il est intéressé par cette nouvelle solution pour l’inspection des coques de ses porte-conteneurs : outre la maintenance, la maîtrise du fouling (dépôts d’algues et de coquillages) peut faire économiser jusqu’à 10% de carburant aux navires.

Notilo Plus commercialise Seasam, la version B to B de son drone, depuis 2020 (à partir de 11.990 euros). Plus performant et boosté en reconnaissance d’image, il descend à 100 mètres de profondeur. La start-up réalise la moitié de son chiffre d’affaires (1 million d’euros) à l’étranger.

 

L’atout Marseille : « Beaucoup de nos clients sont présents et c’est une ville agréable. » Nicolas Gambini, cofondateur de Notilo Plus
notiloplus.com

 

 

Unistellar : La tête dans les étoiles

« Comme les start-up de la Silicon Valley, nous avons choisi de nous implanter au soleil, confie Laurent Marfisi, CEO d’Unistellar. L’environnement est important pour le bon développement d’une entreprise et l’épanouissement de ses salariés« . La start-up aux 42 collaborateurs cofondée en 2015 avec Arnaud Malvache, son ami de lycée, et Franck Marchis, astronome et chercheur à l’Institut Seti, en Californie, a développé un télescope numérique rendant l’astronomie accessible à tous. Son appli mobile aide à l’observation des objets célestes et permet à ses utilisateurs de participer à différents programmes de découvertes.

Lauréate du CES Innovation Award en 2017, la jeune pousse lance une campagne de financement participatif sur Kickstarter, et récolte 2,2 millions de dollars en un mois pour commercialiser son télescope grand public. Deux ans plus tard, elle lève 2,1 millions d’euros auprès de Bpifrance et d’autres investisseurs. « Comme tout produit hardware, eVscope consomme beaucoup de capitaux. » Il est vendu 2.799 euros sur le site d’Unistellar et dans plusieurs enseignes comme Nature & Découvertes. Unistellar compte plus de 5.000 utilisateurs à travers le monde, la start-up réalisant plus de 80% de ses ventes à l’étranger. Un partenariat avec Nikon devrait booster la sortie de son nouvel eVscope.

 

L’atout Marseille: “Il existe de nombreux financements, comme le dispositif d’amorçage de Pays d’Aix développement, de 40.000 euros.” Laurent Marfisi, cofondateur d’Unistellar
unistellaroptics.com

 

 

Morphée : Ne pas s’endormir sur ses lauriers

Le sommeil des Français n’était pas serein avant la crise sanitaire, les confinements à répétition ne l’ont pas arrangé. « Quatre millions de personnes souffrent d’insomnie« , indique Charlie Rousset, le cofondateur de Morphée, une start-up aixoise. Son boîtier non connecté, comme un réveil à l’ancienne, contient des séances de méditation pré-enregistrées, des musiques et des sons de la nature. Lancé en 2018 chez Nature & Découvertes (79,95 euros), cet objet design en bois clair rencontre vite le succès. Il s’écoule à 200.000 exemplaires. « Facile à transporter, solide, c’est un produit idéal pour la vente en ligne. »

Le duo de créateurs est atypique : Charlie, étudiant à Aix, et son logeur, Guillaume Barathon, s’intéressent tous deux à la méditation et à la sophrologie. Ils consultent des experts du sommeil et multiplient les concours de pitch, où ils gagnent le soutien de Nature & Découvertes. Une campagne de précommandes sur Ulule leur assure 50.000 euros, et le CIC et le Crédit agricole, 300.000 euros de mieux. L’entreprise de 18 salariés est très vite rentable. Elle réalise 2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 et vise 12 millions cette année. « Notre prochain relais de croissance est l’international« , conclut Charlie.

 

L’atout Marseille : « C’est une région d’innovation où il est plus facile de se démarquer qu’en Ile-de-France. » Charlie Rousset, cofondateur de Morphée.
morphee.co

 

Capital, par Sébastien Pierrot, Lola Parra Craviotto, Charlotte de Saintignon et Guillaume Le Nagard – 04/02/2022